Expérience voyage : vers un voyage augmenté
Par Marie Gadenne-Viscontini — Terra Chile
Mon parcours ?
Après m’être essayée à la littérature et aux cosmétiques bios, je suis arrivée dans le tourisme comme tout le monde, c’est-à-dire un peu par hasard. J’ai fait mes armes et mes premiers voyages sur mesure chez Shanti Travel au Sri Lanka puis à Bali, et finalement en marketing toutes destinations confondues. 5 années en Asie et une caravane Togezer plus tard, me voilà à Valparaíso depuis plus de 2 ans pour rejoindre la grande famille Terra Group et reprendre la gérance de Terra Chile, entre océan Pacifique et Cordillère des Andes.
Mon plaisir coupable ? Le TTT : Tricot Tout Terrain (plage, avion…) d’où mon surnom « la Dame de 30 ans » Mon animal totem ? La loutre, plus à l’aise dans l’eau que sur terre.
Quand je serai grande ? J’aurai une ou plusieurs fermes à expérience quelque part dans le monde avec des livres, des chats et des cosmétiques bios !
Linkedin: https://www.linkedin.com/in/mariegadenneviscontini
Expérience voyage : vers un voyage augmenté
Quand j’ai commencé à créer des voyages, tout devait être hors des sentiers battus même le plus incontournable des temples du Sri Lanka. Si l’expression en elle-même a trop été malmenée pour avoir encore un sens, elle peut servir de point de départ à une réflexion sur les mots dans le tourisme et surtout les concepts qu’ils abritent.
Hors des sentiers battus fait avant tout référence à un lieu, à l’inaccessible par opposition à l’incontournable. Mais aujourd’hui quelques recherches sur internet et un comparateur de vol plus tard, vous avez accès à la plupart des endroits du monde, dont les images vues et revues sur les réseaux sociaux ne laissent plus la part à la véritable découverte. Qu’est-ce qu’un voyage découverte sinon une façon policée de nommer un voyage classique ou incontournable ?
Peu de destinations restent inaccessibles au point de nécessiter le travail d’une agence et d’un réceptif pour s’y rendre, même le bout du monde. Dès lors, puisque l’accès physique mais aussi l’accès à l’information, n’est plus problématique, le lieu en lui-même n’est plus l’enjeu.
Depuis quelques années, nous avons vu le hors des sentiers battus se transformer en expérience insolite, unique… et le voyage devenir expérientiel. Changement de mot, changement de concept. Si le lieu en lui-même n’est plus la clé, qu’est-ce que ce changement signifie pour une agence réceptive ? Sur place, en direct de, basé à *insérer la ville de votre choix* … n’est plus l’argument de vente ultime mais devient une condition sine qua non pour donner du sens au voyage et à notre métier. Il ne s’agit plus de former un agrégat de services pour donner accès à un lieu mais bien d’assembler judicieusement des atomes pour créer une molécule. Et ce sont ces molécules mises tout aussi judicieusement bout à bout qui donnent alors une formule unique : l’expérience voyage.
Expérience, Expérience ou Expérience
Le passage à l’ère de l’expérience est la preuve d’une mutation profonde du voyage.
L’expérience n’est pas, ou ne devrait pas être un nouveau mot galvaudé du tourisme, un concept qui fait vendre pour rendre plus attrayante une visite, une activité, un produit.
Qu’est-ce qu’une expérience ? Dans le monde du tourisme, l’expérience est utilisée dans sa définition anglo-saxonne : un événement, un moment qui laisse une impression sur quelqu’un. Cela serait alors l’expérience dans le voyage au sens de molécule.
Mais la définition première en français comme en anglais est l’acquisition empirique de connaissance à partir du vécu. Nous ne voyageons plus pour voir des images vues et revues sur Instagram mais pour vivre, ressentir, connaître. Qui n’a jamais vu le Taj Mahal sans même y avoir mis les pieds ? C’est tout le paradoxe d’Instagram qui vous donne accès en quelques secondes à de plus belles images que celles que vous aurez devant vos yeux en voyage. Les heures d’attente pour avoir un monument sans un touriste, les multiples prises, les retouches photoshop ne transparaissent pas…
L’on voyage pour se souvenir de ce que l’on a ressenti face à une rencontre, une découverte… cela pourrait alors être compris comme l’expérience du voyage dans sa globalité : la formule.
Avant d’attaquer le troisième sens d’expérience, une petite digression s’impose pour les amateurs de faux amis et d’anglicismes. Les plus attachés à langue de Shakespeare pourront arguer que l’expérience dans le tourisme vient d’experience et non d’experiment mais magie de l’étymologie, expérience, experience et experiment partagent tous une racine latine commune experientia et dès lors le terme expérience peut également se définir comme un essai, une épreuve, une tentative. L’expérience devient alors un test, un défi et se définit selon chaque voyageur par rapport à une zone de confort et un degré d’implication : immersion, chez l’habitant, micro-aventure, chasse aux trésors… Dans cette acception du terme expérience, l’on parle alors d’expérience voyageur.
L’activité devient expérience voyage lorsqu’elle est comprise du côté du voyageur comme une source de transformation, d’émotion. Produire et assembler des expériences différenciantes revient alors à susciter cette impression chez le voyageur. Le facteur différenciant du voyage n’est plus défini par le lieu (hors des sentiers battus) mais par l’émotion suscitée (expérience). Et qu’est-ce que l’émotion ? Étymologie toujours, e-extérieur, motio-mettre en mouvement, c’est donc un mouvement intérieur provoqué par un phénomène extérieur. Voilà peut être l’un des plus beaux enjeux du voyage de demain : mettre l’émotion au cœur du voyage.
Enhance the travel experience
Togezer oblige, poursuivons les emprunts à la langue anglaise.
Attardons-nous un moment sur Enhance. Difficile de trouver un bon équivalent en français qui retranscrit cette amélioration, amplification en termes de qualité, de valeur et de désirabilité.
Amplifier l’expérience voyage reviendrait alors à trouver des leviers pour booster la qualité, la valeur et la désirabilité de l’expérience voyage dans son ensemble : expérience dans le voyage + expérience du voyage + expérience voyageur. Mais comment aller vers ce voyage augmenté ?
En développant à chaque étape de l’expérience voyage des amplificateurs.
Avant le voyage, impliquons le voyageur !
L’expérience voyage ne débute pas à l’aéroport mais bien dès le projet de voyage. A la création du voyage, aidons le voyageur à s’interroger sur les motivations de son voyage pour créer un voyage sur mesure générateur d’émotions.
Au-delà du classique kit voyage envoyé à la maison ou remis à l’arrivée avec des informations pratiques, le carnet de voyage, un petit cadeau… pourquoi ne pas prendre exemple sur le théâtre, qui pour beaucoup se vit plus qu’il ne se lit, et adapter la notion chère à Alfred de Musset de « spectacle dans un fauteuil » en invitant le voyage dans leur salon : rencontre, film, jeu, livre…
Pendant le voyage, impliquons le voyageur !
De la même manière que nous définissons des niveaux de randonnées, nous pouvons repenser nos modes de voyage selon le degré d’implication souhaité par le voyageur, sa volonté à tester, à sortir plus ou moins de sa zone de confort, à prendre l’expérience au pied de la lettre. Pourquoi les carnets de voyage ne seraient-ils réservés qu’aux enfants ? Weekend de survie, jeu d’enquête, audio-tour littéraire, chasse aux trésors, missions pendant le voyage… les possibilités sont infinies.
Après le voyage, impliquons le voyageur !
Au-delà du précieux feedback, avis forum et autre bouche à oreille, il s’agit d’accompagner le voyageur dans la réalisation parfois même la transcription (vidéo, photos, textes) des émotions de son voyage.
Vers un voyage augmenté ? Plus facile à dire qu’à faire !
Ce voyage augmenté, tout comme la réalité du même nom, suppose un développement technologique mais aussi logistique pour donner accès avant et pendant le voyage, de préférence hors ligne ou directement dans leur salon à des contenus différenciants (vidéos, playlist, jeux…). Sortir du classique carnet de voyage pratique et informatif sans polluer le moment du voyage.
Cela suppose aussi de retourner au cœur du métier de réceptif : le terrain.
Voilà pourquoi nous sommes sur place. Pas pour rassurer et prouver par téléphone notre expertise à coup de décalage horaire et d’anecdotes météorologiques mais bien pour continuer à explorer le champ des possibles au sein de notre destination. Créer un amplificateur de voyage c’est avant tout produire : une expérience, un support, un mode de voyage. Et puisque pour innover, il faut bien commencer quelque part, se tromper, recommencer… Nous sommes plusieurs réceptifs à avoir décidé d’essayer, avec une bonne dose de système D, d’amplifier l’expérience voyage et redevenir des réceptifs tout terra.
Marie Gadenne-Viscontini, gérante de Terra Chile