L’avenir du réceptif vu par Jean d’AMERIGO
Par Jean Eustache — AMERIGO
Un grand merci à Jean Eustache, PDJ d’AmeriGO, pour avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Jean Eustache gravite dans la galaxie du tourisme et des voyages depuis près de trente ans. Après des études d’histoire, il fonde un réceptif au Canada avant de créer AmeriGO, un Tour Operator 100% B2B qui a le vent en poupe — et c’est peu de le dire. L’hiver 2018–2019 a été tellement fructueux que l’équipe n’a pas pu honorer toutes les demandes par manque de stocks ! Après une présentation de son parcours et de son entreprise, Jean Eustache nous livre sa vision du réceptif de demain.
Pouvez-vous nous parler de vous et de votre parcours ?
J’ai démarré ma carrière dans un Tour Operator (TO) canadien où j’ai appris le métier en parallèle de mes études d’histoire. Puis, à 25 ans, j’ai créé mon propre réceptif au Canada. Par la suite, je suis venu travailler chez un TO en France où j’ai continué d’envoyer des Français au Canada et aux Etats-Unis. Puis, en 2003, j’ai décidé de quitter Paris et de créer AmériGO.
Ma première volonté a été de faire de la représentation de réceptifs car la plupart des agences avaient besoin d’aide et contacter un réceptif au cas par cas n’était souvent pas la meilleure solution pour elles. J’ai consacré mon temps à la représentation de 8 réceptifs, tous basés sur le continent américain. Pendant cette période, je me suis beaucoup déplacé directement chez les chefs de produits ou sur les salons professionnels comme l’IFTM Top Résa.
Puis je me suis rendu compte, au bout de quelques années, que ce métier ne me satisfaisait pas entièrement. J’ai donc décidé de transformer l’entreprise en Tour Opérateur 100 % BtoB, et toujours 100 % Amérique.
Aujourd’hui AmériGo ressemble à son patron : une PME stable, qui ne cherche pas la croissance à tout prix, où il y a peu de hiérarchie et où les collaborateurs sont très autonomes. Malgré les années qui passent, ma plus belle récompense reste le plaisir de recevoir un mail de satisfaction d’un voyageur ! Car c’est notre mission : organiser de beaux voyages sur le continent américain…
Pouvez-vous nous en dire plus sur AmériGo ?
AmériGO a été créé il y a 15 ans à Senlis dans l’Oise. Nous proposons les principales destinations du continent américain, du Canada à l’Argentine. Aujourd’hui, AmériGO compte 35 personnes implantées à Senlis et à Nantes : c’est une entreprise très provinciale et fière de l’être !
L’entreprise compte 3 services qui se concentrent sur 3 activités distinctes : les groupes constitués, les Groupes d’Individuels Regroupés et les Individuels sur mesure. Je remarque que les demandes ont fortement progressé sur le segment de l’individuel et que la taille des groupes sur les GIR s’est réduit. Les clients en ont assez des gros bus, des visites classiques… C’est pourquoi nous travaillons à présent avec des groupes de 16/18 personnes maximum.
Même si la majorité de notre clientèle recherche des itinéraires assez classiques, on note également une évolution des demandes : désormais, nous intégrons de plus en plus de séjours en immersion avec les communautés. Une activité qui fonctionne très bien chez nous : les petites randonnées, les marches simples que nous avons voulu très accessibles à tous les voyageurs.
Le tout représente 12.000 passagers par an. 2 brochures sont éditées chaque année et distribuées dans plus de 2.000 agences. La croissance de l’entreprise a été douce, avec un seul crédo : la satisfaction des agences et de leurs clients.

Recherchez-vous souvent de nouveaux réceptifs ?
Oui, bien sûr, nous sommes ouverts à en rencontrer de nouveaux : nous démarrons des nouvelles collaborations régulièrement.
C’est le cas cette année dans l’Ouest Canadien. Ce sera le cas également l’hiver prochain sur le Chili.
Parfois un nouveau réceptif apporte un savoir faire complémentaire au partenaire habituel.
Parfois, nous nous tournons vers de nouveaux réceptifs pour une question de rapport qualité/prix. En fin de compte, nous sommes en concurrence avec les autres TO et les réceptifs : nous devons rester vigilants sur l’aspect économique. Le seul obstacle à la mise en place de nouveaux partenariats reste souvent le temps. Mettre des réceptifs en concurrence ou attendre les réponses de nos amis sud-américains peut parfois être très chronophage. C’est à cause de ce facteur que nous nous trouvons souvent dans l’obligation de renoncer.
Quel avenir pour les réceptifs en termes de positionnement : B2B ou B2C ou B2B2C ?
Je vais donner une vision franco-française… sûrement que dans d’autres pays, un patron de TO aurait une vision différente de la mienne !
Selon moi, les réceptifs devront à l’avenir choisir une stratégie BtoC ou BtoB car essayer de soigner la chèvre et le chou ne sera pas possible indéfiniment !
Personnellement, je travaille uniquement en BtoB. Je n’essaie pas de “piquer” les clients des agences et je trouve normal que mes réceptifs en fassent de même… c’est une question éthique mais même au delà de ça, il sera plus compliqué à l’avenir de jongler avec les deux stratégies surtout du point de vue technologique et de la gestion des allotements.
Peut-être que certains réceptifs arriveront à se développer uniquement en BtoC, par leurs propres moyens, ou grâce à des plateformes comme Evaneos. Je peux comprendre ce choix, mais dans ce cas, les réceptifs devront être cohérents et s’en tenir au BtoC.
Quels seront à l’avenir les défis du marché touristique en termes de production ?
Sur ce point, je vais différencier le marché des individuels sur mesure (FIT) du marché des groupes d’individuels regroupés (GIR) car il est rare que les réceptifs soient efficaces sur ces 2 activités. J’ai remarqué qu’il est parfois difficile de travailler sur certaines demandes qui sortent des sentiers classiques.
En ce qui concerne le FIT
Je pense qu’il va devenir impératif pour les réceptifs d’avoir leurs propres stocks de chambres réservables via un flux XML. Sinon, ils seront balayés par les grandes OTA comme Booking, Expedia, Hotelbeds…
Et de toute façon, le marché des FIT étant en augmentation constante, faire des devis manuellement n’est plus possible… en tout cas pas pour la première version ! Il faut répondre aux demandes de devis très rapidement. Or trouver du personnel capable de traiter ces demandes est de plus en plus compliqué. Les réceptifs qui font du FIT croulent déjà sous les demandes de devis alors que le taux de confirmation est trop faible.
Je pense donc que les TO doivent fournir aux agences une interface moderne pour qu’elles puissent faire elles-mêmes leurs devis, et même leurs réservations, avec des prix et disponibilités exactes, grâce à des flux XML reliés aux stocks de chambres des réceptifs. Rien n’empêche le TO ou le réceptif de valider les devis à tout moment à la demande des agences.
Certaines destinations sont peut-être un peu complexes pour que les agences fassent elles-mêmes les devis. Dans ce cas, c’est un spécialiste chez le TO qui doit pouvoir le faire, seul et de manière autonome, sans avoir à attendre la réponse du réceptif.
Faire moins de devis permettra aux réceptifs de se concentrer sur une bonne gestion des excursions, assurer une conciergerie efficace aux clients présents à destination et à être plus créatifs.
Pour le marché GIR
Les réceptifs doivent être force de proposition pour assurer des groupes plus petits et des activités plus authentiques. Les clients en ont assez des gros bus et des visites classiques.
Il faut vraiment se creuser les méninges pour proposer des choses différentes, moins classiques, tout en restant accessibles au plus grand nombre. Et c’est vraiment compliqué de trouver des réceptifs capables d’innover de la sorte.
Il n’est pas nécessaire pour autant de réinventer la roue : un client qui découvre un pays pour la première fois voudra voir tous les incontournables de la destination. C’est la manière d’organiser des visites qui doit changer. Un simple tour de ville peut être réalisé de manière classique, dans un bus, avec un guide récitant son texte. On peut aussi le faire en prenant les transports locaux, en vélo, en marchant, en prenant un café à une terrasse ensoleillée et en laissant une part d’inconnu.
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Jean Eustache, PDJ d’AmeriGO